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Tribune : Ma semaine sainte à l'hôpital

Publié le par Jean-Louis LOIRAT

Durement frappé par la Covid-19 à cause de laquelle il a été hospitalisé pendant dix jours, Jean-Louis LOIRAT a pensé pouvoir y laisser la vie. Il nous livre ici son témoignage : les questions qui se sont faites siennes, les priorités qui lui sont apparues essentielles, la leçon d'humilité donnée par la maladie qui ramène à l'humanité et au frère.

 

Ma semaine sainte à l’hôpital

Je me permets, en ces temps de pandémie, d’incertitude et de peur, de donner le triple témoignage d’un ancien cadre de la santé publique, d’un citoyen et d’un chrétien, après 10 jours d’hospitalisation à cause du Covid.

1- Après 40 ans passés dans les ministères santé-social, il aura donc fallu que je me retrouve hospitalisé pour approcher, autrement que de façon théorique, ce qu’est la santé publique. Des dossiers et des projets de politique publique j’en ai réalisés, des commissions j’en ai présidées, jamais je n’avais connu une telle époque. Le SIDA nous avait alertés, fonctionnaires, nous l’avions géré, depuis nos bureaux. Seuls quelques cas de méningite demandant étude de la situation locale, décisions urgentes et vigilance collective furent pour moi un exercice de terrain.

Directeur départemental, je n’ai aucun souvenir d’avoir jamais organisé une réunion de service sur l’état de nos réserves sanitaires conservées dans les hôpitaux.

Responsable, et...en cas de crise, coupable !

Aujourd’hui, sorti de l’hôpital, je puis témoigner combien les équipes soignantes sont compétentes et admirables au plan humain. A ma première question sur la situation à l’hôpital la réponse fut nette : « on s’adapte, on est là pour ça. » A l’hôpital d’Evry-Corbeil, le 9e protocole de soins vient d’être établi, permettant le partage des connaissances et des pratiques, en dépassant les corporatismes anciens.

Jamais autant fatigué de ma vie, inquiétude pour l’heure qui vient ; vais-je m’en sortir ? Surtout quand j’ai appris le décès à 80 ans, à cause du Covid, d’un cher voisin et ami.

Ce qu’on ressent est indicible, heures sombres et longues, interrogations sur la vie et sur la mort. Les techniques médicales ont fait de gros progrès de réparation, mais la pathologie virale reste une maladie à l’ancienne.

 

2- Le citoyen, lui, s’interroge sur ce que doivent faire les pouvoirs publics. Comment peut-on travailler, avec des avis souvent opposés, quand on ne sait pas le matin ce qu’on aura à décider le soir ? Seul, celui qui n’a jamais participé à l’élaboration de la décision publique, peut penser que lorsqu’on se trompe, on n’est pas nécessairement le bête ou le méchant. Le citoyen doit comprendre que les institutions ne sont pas de simples mécaniques et que les dirigeants publics peuvent aussi craquer.

Les contrôler est nécessaire, les soutenir est indispensable, sans gommer le débat et sans incantation sur l’unité nationale. Faire comprendre à nos proches la complexité de l’actuelle situation exceptionnelle est un devoir politique.

Les propos stupides de certains leaders d’opinion sont insupportables ; on est effaré d’entendre qu’ils savaient bien avant ce qu’il fallait faire. Quel orgueil !

La seule question est : demain que devra-t-on faire pour vivre mieux ?

Cela demande à nos dirigeants politiques et économiques d’intégrer cette part inconnue d’imprévisible et de travailler ensemble dans la confiance.

 

3 – Le chrétien est lui aussi interpellé, soumis au doute en ces jours de désarroi.

Recevant sur mon lit d’hôpital des messages de compassion avec des images pieuses ou des prières de guimauve, j’en fus très agacé, car je vivais l’instant dans la souffrance qui ne porte pas le goût du miel.

Alors vient la question : comment avoir une parole d’aide qui soit vraie et incarnée ?

En ces jours, c’est davantage la parole brute de l’Evangile qui me fut utile que les parleries de sacristie et les homélies d’eau tiède.

L’Église doit transformer sa gouvernance avec de la démocratie, elle doit gommer les comportements cléricaux surplombant, mais c’est aujourd’hui son langage qui doit radicalement évoluer, pour que le message du christianisme puisse réinterroger nos contemporains.

Avant la question de la foi, n’y aurait-il pas là un service humanitaire à rendre à nos sociétés en quête de sens ?

Durant cette semaine particulière, j’ai eu la conviction que pour le chrétien seul le « sacrement du frère » est valide et efficace. Dieu n’est pas seulement vertical.

Bien avant tous les rites qu’on ne cesse de multiplier, il nous faut sortir du sacré, là où la magie et la secte nous guettent.

Car dans la nuit de la croix, le rideau du Temple s’est déchiré en deux,

« Seul est sacré le visage du frère ».

8 avril 2021

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