Catholiques, nous sommes tous victimes du cléricalisme
Des enfants et des jeunes baptisés, et familiers des propositions catholiques, des femmes, des religieuses voient leur liberté spirituelle manipulée , leur conscience obscurcie, leur âme violée. Les premiers sourient à la vie dans notre « maison commune », cherchent le beau, le vrai, le bien. Les secondes sans lesquelles l’Église disparaitrait des radars , l’habitent et en prennent soin. Mais des clercs s’emparent de leurs aspirations, quêtes, attentes, soifs , les mobilisent comme autant de « failles » par lesquelles ils pénètrent les esprits, les cœurs, les âmes. Ils sollicitent alors la soumission, l’obéissance, le consentement, la communion et s’approprient les corps , outragent, souillent, violent tout en sollicitant un pardon qui vise à laisser entendre une complicité et contraint au silence. Déplacés , mutés ils se savent « couverts » , protégés, excusés , et par là encouragés à récidiver. Ils savent que l’institution tolère et couvre son « personnel » , regarde les crimes commis comme des accidents malheureux qu'il faut vite oublier, les victimes pressées de le faire en pardonnant à leurs bourreaux.
Les crimes, on le sait, et les évêques le découvrent plus ou moins obligés, sont les produits d’un système structurellement destructeur. Ces enfants, ces femmes sont marquées à vie dans leur âme et leur chair par les agressions subies, cachées, mésestimées dans leurs gravité et conséquences. Sans leur courage un océan de souffrances continuerait à être ignoré et l’omerta qui rend possibles les emprises et crimes, la règle.
Mais allons au bout des choses et interrogeons nous sur ce que produit ordinairement aussi un univers ecclésial structurellement étouffant et mortifère , un cléricalisme qui désespérément se maintient et cherche parfois à se relégitimiser à peine avoir été contraint de battre sa coulpe.
Rien d’aussi monstrueux, d’aussi abject. Mais rien non plus qui ne soit étranger aux mécanismes , aux causes systémiques qui ont produit ces crimes. Rien qui doive être ignoré , diminué ou passé sous le tapis. Tout ce que produit le système clérical , tout y compris ce qui ne relève pas du crime, tout ce qui est nuisible, nocif, entravant, doit être maintenant , sans crainte , examiné, analysé, interrogé.
Rompre avec le cléricalisme dans lequel les fidèles ont été socialisé et qui les habite encore, les conditionne et les oblige, est une nécessité, une obligation absolue. Se libérer des formes et structures, des mécanismes symboliques, des logiques, d’une doctrine qui fait de vous d’éternels mineurs , est la condition nécessaire pour accéder à la dignité de baptisé telle qu’affirmée par les Evangiles. Elle est la condition même de la poursuite d’une aventure non gagnée d’avance : celle de la reconstruction de l’ Église.
Sans cette conversion, cette révolution, cet examen de ce que le système fait d’eux , les laïcs ne seront pas véritablement et librement en état, de penser, d’imaginer, de commencer à jeter les bases d’ une Église qui porte haut la promesse de celui en qui ils croient.
Qu’est-ce que cela veut dire pour celles et ceux qui font partie de l’Église, qui « sont » l’Église ?
Ne tournons pas trop notre langue dans la bouche, si nous estimons que l’Église peut avoir un avenir à cause même du message qui lui a été confié, mais dont elle n’est pas le propriétaire, il faut que les catholiques osent en finir avec les comportement déférents, refusent la soumission, dénonçent la dépréciation dont ils sont victimes , eux , les laïcs , c’est-à-dire les non clercs, sortent des silences auxquels ils ont été habitué , refusent les conditionnements qui les font, malgré eux, compagnons ou complices du cléricalisme.
Excessif ce discours ? Non. Brutal, car il y a urgence. Demain l’ Église si elle existe encore pourrait être regardée , à cause de ses fonctionnements, de son refus de l’égalité et de parité, de sa stigmatisation des « différents », de sa confiscation de la « vérité », de son allergie au débat , de sa peur des valeurs de la démocratie, comme l’ institution « nuisible » honnie dont on espère, attend ou veut la disparition .
Les catholiques doivent-ils, par exemple, continuer à accepter que leurs liturgies, les gestes et symboles qu’elles mettent en œuvre, confortent une hiérarchie , un « ordre sacré » qui installe une ségrégation de fait entre les baptisés clercs et laïcs , maintient un clivage insupportable entre les sexes ? Leurs messes telles qu’elles sont dites ne portent elles pas une grande responsabilité dans le maintien du cléricalisme, ne contribuent-elles pas à cette sacralisation si nocive – et d’abord pour ceux qui en ont endossé l’habit- du ministère presbytéral, des fonctions et services hiérarchiques? Ne distillent-elles pas , dimanche après dimanche, l’idée que les clercs d’une autre « nature » que les laïcs, seraient , eux, leurs rituels et prêches, infaillibles, pourraient échapper à toute remise en question? Dans les messes, parce que la réforme liturgique initiée par le Concile Vatican II, s’est arrêtée en chemin, l’Église apprend aux laïcs à « croire » le consacré, l’ordonné, à lui obéi, à le vénérer. Et quand ceux-ci s’interrogent sur leur condition de perpétuels enseignés, de toujours spectateurs , de continels subordonnés ou émettent quelques réserves et questions sur une distribution des rôles établie par et pour les clercs , ils se voient opposer la « tradition » et la « longue durée », la doctrine et le magister, l’obéissance, la communion.
Avec la pandémie et les mesures sanitaires le cléricalisme s’est mis en scène dans des messes disponibles sur Facebook, You Tube… ou accessibles en streaming , célébrées sans présence réelle du peuple « corps du Christ » qui semblent n’exister que par et pour le culte, que par et pour les clercs.
Symboliquement la liturgie dit en creux ce que montrent les modes de nomination, de gouvernance, d’enseignement : la sacralisation de l’autorité, des institutions, des fonctions , des structures et formes. Elle leur apporte, et c’est pour cela qu’elle doit être questionnée en priorité, une légitimation qui semble transcender le temps et l’espace, se présente comme consubstantielle au mystère .
Liturgie ou quelque thème qu’on aborde dans le débat sur les réformes de l’Église , on se heurte, à chaque fois , en tout cas, très vite, à la question d’un système profondément nuisible au message que la communauté des croyants veut porter, à un cléricalisme qui fait obstacle au développement d’autres formes de visibilité et de présence chrétienne dans la sociéte, d’autres manières d’ habiter l’Église.
Se libérer de l’emprise du cléricalisme, refuser d’en être des victimes silencieuses, c’est se donner capacité à vivre libre, capacité à reconstruire, rebâtir l’Église. C’est montrer que l’Église dont nous nommons et suivons le fondateur, a commencée à exister.